Banque et Caution : Un bras de fer pour la prescription



Par un arrêt du 11 janvier 2023, la première chambre civile de la Cour de cassation s'est de nouveau prononcée sur la sempiternelle question de la prescription en matière de cautionnement bancaire.

En l’espèce, une SCI a souscrit deux prêts immobiliers auprès d’une banque. Les crédits ont été garantis par deux engagements de caution solidaire. Face à la défaillance de l’emprunteur, la banque a mis en demeure la caution avant de prononcer la déchéance du terme. Elle a également signifié un commandement de saisie-vente à la caution.

Devant les juridictions du fond, la caution a invoqué la prescription de l’action de la banque dans le recouvrement de sa créance.

Incidemment, le prêteur a soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de la responsabilité de la banque intentée par la caution.

Par un arrêt du 7 septembre 2021, la Cour d’appel de Besançon a déclaré prescrites les créances de la banque au titre des cautionnements consentis et a déclaré l'action en responsabilité initiée par la caution recevable.

La Cour de cassation a censuré la solution retenue par les juges bisontins. L’arrêt a été cassé et annulé en toutes ses dispositions. La Haute juridiction a battu en brèche le raisonnement de la Cour d’appel en évoquant tant la prescription de l’action en responsabilité de la banque (I), que la prescription de la créance (II).

I : Du point de départ de la prescription de l’action de la caution contre la banque
Dans l’arrêt de 2023, la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler des règles essentielles en matière de prescription.
D’abord, au visa de l’article 2224 du Code civil, elle a retenu que l'action en responsabilité contre la banque se prescrit par cinq ans.
Ensuite, la Cour a précisé que ce délai commence à courir à compter de la date de mise en demeure qui a permis à la caution d'appréhender l'existence d'une éventuelle disproportion de ses engagements ou de manquements aux obligations d'information et de mise en garde incombant à la banque.
La Cour a insisté que le fait que le défaut de réception effective par la caution de la mise en demeure, adressée par lettre recommandée, n'affecte pas sa validité : la carence de la caution à réclamer le courrier recommandé contenant la mise en demeure n'a pas pour effet de différer le point de départ de la prescription à une date postérieure.
De la sorte, le point de départ de l’action en responsabilité intentée par la caution à l’égard de la banque est fixé au jour de la lettre recommandée lui permettant d’agir en justice.
La solution retenue par les juges du quai de l’Horloge est doublement justifiée.
La Cour de cassation a procédé à une stricte application de l’article 2224 et l’ancien article 1139 du Code civil en jugeant que la mise en demeure constitue le point de départ de la prescription.
Au regard de sa jurisprudence, la Cour de cassation a confirmé sa position selon laquelle « le défaut de réception effective par le débiteur de la mise en demeure, adressée par lettre recommandée, n'affecte pas sa validité » (Civ. 1re, 20 janvier 2021, 19-20.680, Bull).

II : À l’absence de prescription des créances de la banque
Pour déclarer la créance de la banque prescrite, la Cour d’appel a bâti son raisonnement sur l’absence d’interruption de la prescription. Toutefois, la Cour de cassation a cassé sa décision pour absence de base légale.
Par une interprétation conforme au sens des articles 2241 et 2246 du code civil, la Haute juridiction, a rappelé, d’une part, que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription et, d’autre part, que l'interpellation faite au débiteur principal ou sa reconnaissance interrompt le délai de prescription contre la caution.
Partant de ces principes, la Cour de cassation a reproché aux juges du fond le fait de ne pas rechercher si la procédure d'exécution forcée diligentée antérieurement par la banque à l'encontre de la caution a eu ou non un effet interruptif de la prescription.
En l’espèce, la banque a signifié à la caution un commandement de saisie-vente. La prescription de la créance a été interrompue par la procédure d’exécution forcée.

Dans son arrêt du 13 mai 2015, la Cour de cassation a tranché la question en jugeant que le délai de prescription pouvait être interrompu par un acte d'exécution forcée et que le commandement aux fins de saisie-vente pouvait valablement interrompre la prescription (Civ. 2ème , 13 mai 2015, n° 14-16.025, Bull.).

L’arrêt du 11 janvier 2023 réinstaure un équilibre entre les intérêts du prêteur professionnel et de la caution.

Procédant à une application conforme à la loi, la Haute juridiction a bien cerné les contours de la prescription en matière de cautionnement.